No Man's Land: Terres sans Hommes? Introduction

Publié le par Tiphilou

10 août 2004 - Voilà six mois que je vis à Amman en Jordanie. La situation en Irak a conduit des centaines de réfugiés à fuir les combats pour trouver refuge à la frontière Jordanienne dans des camps mis en place par le HCR des Nations Unies et l’ONG CARE. En France la télévision nous montre des images de ces réfugiés, tente de nous faire partager leur détresse. Mais sans jamais les nommer. Comme si les humaniser par un prénom était susceptible de rendre cette détresse insurmontable à nos yeux.

 

Comme si l’anonymat nous préservait…

 

 Aujourd’hui mon projet se réalise enfin. Je suis devant l’unique entrée du camp de réfugié situé dans le No Man’s Land entre la frontière Jordanienne et Irakienne. Il n’est que 7h00 mais il fait déjà chaud. J’imagine aisément la chaleur qui nous attend dans la journée au milieu de ce désert de pierre qui recouvre l’Est Jordanien. J’aime à penser que les pierres sont les fleurs de ce désert. Je me demande pourquoi un tel camp a été installé ici… Après tout, No Man’s Land ne signifie-t-il pas « Terre sans Hommes » ? Bayat Mirzayi me tire de mes pensées. « Yallah ! ». Il est aussi impatient que moi de cette rencontre. C’est lui qui va me présenter cet endroit où il vit depuis bientôt deux ans. Il est Iranien et vient de passer 24 ans dans un camp de réfugiés en Irak, après avoir fuit son passé politique en Iran. Ici, il fait partie du comité qui organise la vie dans le camp et a la responsabilité de l’un des huit blocs qui le divisent. A peine le temps d’un premier sourire et nous voilà à l’intérieur, au milieu des centaines de tentes qui composent le paysage, pour un plongeon  dans un monde que je découvre à chacun de mes pas. Plus de 1500 réfugiés Iraniens, Palestiniens, Iraquiens, Somaliens, vivent ici. Je suis venu pour rencontrer ces gens, ces familles anonymes, pour entrevoir leurs histoires et enfin mettre un nom sur leurs visages trop souvent aperçus et trop souvent oubliés. Je ne suis pas là pour photographier des réfugiés. Je suis là pour rencontrer Aziz, Mohamad, Shirwali… des hommes et des femmes avant tout. Durant ces quelques jours dans le No Man’s Land, j’ai décidé de ne prendre personne en photo sans d’abord connaître son nom, son histoire, ses espoirs…

 

Il est 8h30. J’ai l’impression d’être ici depuis toujours. Depuis mon arrivée, Bayat me raconte sa vie, son voyage qui l’a conduit jusqu’ici. Il parle comme s’il n’avait pas parlé depuis des années, comme si raconter son histoire lui permettait de quitter cet endroit. Il ne s’arrête pas, de peur de perdre cette liberté qui le conduit dans les montagnes d’Iran, sur les routes Iraquiennes et finalement dans ce désert Jordanien. Ses yeux brillent, sa voix tremble d’émotion et d’impatience. Il a tellement de chose dans le cœur…

 

Chaque famille me reçoit avec la même envie de témoigner, la même envie de me faire comprendre ce qu’ils vivent depuis plus de 25 ans. Plusieurs me demandent ce que je ferais si j’étais à leur place ? Comment répondre à une telle question ? Je n’ai jamais vraiment connu l’exclusion, l’isolement, la violence. Je ne sais pas… Je ne peux qu’admirer le courage de ces gens et leur envie de vivre qui les a conduit jusqu’ici. Je ne peux que témoigner…

 

 

« Quand tu rentreras chez toi, souviens-toi de ce que tu as vécu ici. Souviens-toi et s’il te plaît… raconte. » - Bayat Mirzayi -

Publié dans Reportage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
K
Bonjour<br />  <br /> Je viens de mettre cet article en lien sur mon blog.....<br /> http://observatoirecitoyen.over-blog.org/<br /> avec un commentaire.....
Répondre
L
je découvre le contenu de ton blog... ce matin peu de temps, je reviendrai et merci de ton commentaire!
Répondre
B
beaucoup taise ce qui se passe car cela fait pas politique que l'on nous dit <br /> il devrait une avoir une émission mensuelle sur les réfugiés , je pense que certains immigrés qui viennent chez nous prendrait conscience que ce qu'ils ont en France c'est vraiment le paradis
Répondre
T
Je pense que nous TOUS, nous devrions prendre conscience que ce que nous avons autour de nous c'est, ce que tu appelles, "le paradis"... Nous sommes le pays en Europe à consommer le plus d'antidépresseur, et les immigrés n'y sont pas pour grand chose... A bon entendeur.
T
Merci. N'hésite pas à forwarder l'adresse de ce reportage à tes contacts pour continuer à sensibiliser le public.<br /> @+, Tiphilou
Répondre
L
Bonsoir !J'ai découvert ton blog dans la liste du Festival de Romans (je suis en catégorie littérature)Je voterai pour toi tous les jours sans aucune hésitation.Les photos sont magnifiques, et la cause qu'elles servent est énorme.Bonne chance.
Répondre